Les personnes que nous avons rencontrées en entrevue ont remarqué un impact important sur leur vie sociale, leur style de vie et/ou leur vie familiale. Certaines d'entre elles pensent que la prestation de soins a définitivement enrichi leurs vies, parfois de façon inattendue.
Les rencontres de Lillian et Michael avec tous les jeunes qui ont pris soin de leur fils ont enrichi leurs vies.
Absolument. Les jeunes personnes que nous avons rencontrées sont tellement merveilleuses. Nous avons une activité maintenant; nous avons établi ce que nous appelons un dîner de famille.
Certains proches aidants nous ont mentionné être capables de maintenir une vie sociale très active. Par exemple, la vie sociale d'Elaine est occupée en partie par son implication active dans le groupe d'entraide de Parkinson. Marc et son ami prennent part à beaucoup d'activités sociales et Marc croit qu'il ne pourrait y arriver sans socialiser. D'un autre côté, plusieurs proches aidants ont eu moins d'activités sociales alors qu'ils assumaient plus de responsabilités au niveau de la prestation de soins. Pour certains ça ne posait pas de problème alors que c'était problématique pour d'autres. Donovan nous dit : « Je ressens au plus profond de moi un grand besoin de socialiser et je n'y arrive pas parce que nous sommes isolés à la maison, très isolés. »
Lorna a diminué ses activités sociales mais elle ne se sent pas lésée.
audioclip
Transcription
Je suppose que j'ai diminué plein de choses moi-même maintenant. Parce qu'il ne conduit plus, il veut aller faire ses exercices. Le groupe de Parkinson a une classe d'exercices alors je ne fais pas les miens. J'avais l'habitude de faire de la natation mais ça ne fonctionne pas à cause du conflit d'horaire. Je dirais que cela a changé […] mais je me lève tôt maintenant et je vais marcher à la place. J'essaie de travailler à travers ça, mais je le fais. Je travaille un jour par semaine. Je suis bénévole à notre Centre 55+, le centre pour les personnes âgées, et j'aime vraiment ça. J'aime ça parce que ça me permet de garder mes compétences à jour. Des personnes différentes, quatre heures de... et c'est un endroit joyeux. Donc je n'ai pas cessé ça mais j'ai cessé d'autres choses, comme pour l'église et des choses comme ça. Je ne fais plus ça.
Ouais, j'étais bénévole pour le Théâtre Magnus, un petit groupe de théâtre d'ici. J'aimais ça mais c'est le soir et il est tellement fatigué le soir. Je trouvais cela trop stressant de partir en le laissant à la maison. Et c'est correct parce que je l'ai fait pendant quelque vingt ans et c'était le temps d'un petit changement. Donc je suis confortable avec les choses que j'ai cessées de faire. Ce n'est donc pas, je ne me sens pas lésée.
Plusieurs proches aidants ont réalisé qu'ils n'avaient plus aucune vie sociale. Pendant plusieurs années, Anne travaillait, revenait à la maison et prenait soin de ses enfants. Maintenant qu'elle a vieilli, elle se rend compte qu'elle n'a pas autant d'amis à cause de cela.
Causes d'une vie sociale réduite
La vie sociale des proches aidants a décliné pour de nombreuses raisons.
Nouer de nouveaux liens rend Shoshena nerveuse parce que le tempérament de son époux a changé avec sa maladie. Elle s'inquiète de la façon dont les autres le percevront.
Il critiquait – si nous avions quelqu'un ici – il critiquait quelque chose que j'avais peut-être fait. Dernièrement, je ne fais pas les choses de la façon dont il les aurait faites. Et c'est comme : « C'est quoi le problème, n'est-ce pas? » Ce n'est pas un problème, mais cela en est un pour lui. Je ne fais pas les phrases de la manière dont il les ferait. Il dira : « C'est ce que tu veux dire ». Et je réponds : « Non, je veux dire ce que j'ai dit » parce que je n'utilise pas les mots de la même manière qu'il le ferait, et ce sont des petites choses mais nous sommes rendus là. Il critiquera des choses lorsque nous avons des gens ici, et c'est très embarrassant pour moi parce que les gens me diront plus tard « Il a été très dur avec toi! » ou des choses comme ça. D'autres diront – cela dépend si nous les connaissons bien – je m'inquiète de ce que penseront les autres personnes que nous ne connaissons pas bien. Ceci a parfois un impact sur notre vie sociale. Est-ce que je veux établir une nouvelle relation avec un autre couple? Je ne sais pas parce que ça me rend très nerveuse... parce que je ne partage pas immédiatement le fait qu'il a cette maladie. Mais s'ils ne le savent pas, ils ne peuvent pas comprendre son comportement. Il peut être très plaisant lorsque nous sommes avec un autre couple, mais il peut aussi être un peu rustre. Est-ce que je veux prendre le risque d'introduire un nouveau couple à notre réseau social? Je dois y penser longuement avant de le faire. Je dois décider si je veux préparer ce couple à sa maladie. Parce que dernièrement il est direct et ne se préoccupe pas des sentiments de l'autre personne. Il n'était pas comme ça avant.
Plusieurs proches aidants étaient tout simplement trop fatigués ou trop occupés pour avoir une vie sociale active. Vous pourrez en apprendre davantage dans Prendre soin de soi.
Par exemple, Matsonia nous dit : « Je lui donne ses médicaments à 7 h. Je prends alors tous nos rendez-vous le matin parce que c'est le temps où sa mobilité est à son meilleur. Si j'ai un lunch, cela veut dire que les gens arrivent à 11 h et que nous prenons quelques verres, du vin, ou autre chose. Nous nous assoyons à midi et ils partent vers 14 h parce qu'il se transforme en citrouille entre midi et 13 h. » Rachel s'est fait de nouveaux amis qui comprennent mieux sa situation de proche aidante.
Sheni a réalisé être beaucoup moins tolérante envers les petits problèmes des autres, ce qui a eu un impact sur ses amitiés.
Je n'ai aucune...tolérance, je suppose, pour les personnes qui ont des problèmes mineurs et qui s'en plaignent. Ceci affecte mes relations avec plusieurs personnes parce qu'elles se plaignent au sujet de choses qui sont vraiment, vraiment secondaires. Oui, c'est un problème pour eux et je comprends ça, mais si j'avais seulement ces problèmes je sauterais de joie.
Plusieurs proches aidants ont commencé à prendre soin d'un membre de la famille, d'un conjoint, ou d'un enfant tout en éduquant de jeunes enfants. Certains de ces proches aidants ont exprimé des inquiétudes au sujet des effets de la prestation de soins sur leurs enfants.
Ça peut représenter un défi pour les enfants de grandir dans une situation où un des parents est malade et a besoin de soins constants. Shayna a essayé de trouver un juste équilibre avec sa famille.
audioclip
Transcription
Je ne pense pas que mon expérience de proche aidante est unique. Je pense qu'une épouse proche aidante a une expérience unique en comparaison à être proche aidant pour un enfant. Je pense que les enfants, les jeunes enfants, vivent un enfer et ne le réalisent pas. Ils ne savent pas comment faire face aux bons commentaires mal placés des gens, qui ont un lourd sens de culpabilisation, qui impose la culpabilité à ces enfants. J'ai dû enseigner à mes enfants que c'est correct de dire « non » à leur père qui les appelait à toutes les deux minutes pour ramasser un stylo qui était tombé ou pour aller chercher quelque chose. Vous ne pouvez pas faire ça à un enfant. Ils ne sont pas vos proches aidants. C'est une toute autre chose. Vous comme mère, vous regardez ça et vous voyez la façon dont cela affecte vos enfants. Vous voyez leur ambivalence entre vouloir aider et détester aider, et comment tout ceci les affecte et vous essayez de faire face à ça. C'est une toute autre chose.
Lillian et Michael parle des effets que la prestation de soins peut avoir sur un membre de la fratrie qui est en santé.
Lillian: Mais je pense qu'avoir une personne handicapée dans le réseau familial - Que pensent les membres de ma fratrie et les siens au sujet de notre situation et de notre fils?
Plusieurs proches aidants ont décrit comment la prestation de soins a affecté leur vie et leur personnalité. Par exemple, Kai était encore très jeune lorsqu'il prenait soin de son père et il se sent socialement inadapté parce qu'il a passé beaucoup de temps avec des adultes plutôt qu'avec des amis de son âge.
Certains proches aidants appréciaient de se retrouver seuls de temps à autre. Joanne nous dit que c'est une bonne idée d'avoir la maison pour elle seule pendant une journée : « Je vais probablement faire les mêmes choses que je fais toujours, mais je suis seule. Je peux crier, sauter, regarder la télévision toute la nuit si je veux, n'importe quoi, simplement danser dans mon salon. Mais je serais seule. C'est tout simplement un sentiment de luxe d'être seule dans ma maison. »
Plusieurs proches aidants ont aussi remarqué des changements dans leur style de vie qui ont eu un impact sur leur santé, comme de manger de la malbouffe ou fumer. Vous pouvez en apprendre davantage sur Impact sur la santé.
Amis et isolation
La plupart des proches aidants ont remarqué une diminution du nombre d'amis avec le temps. Plusieurs croient que la maladie les a fait fuir. Lorsque Shayna planifiait le mariage de son fils, elle a réalisé qu'elle avait le tiers moins d'amis à inviter au mariage en comparaison à celui de sa fille sept ans plus tôt, avant que son époux soit malade.
Christiane se sent isolée parce qu'il semble que ses amis ne veulent plus lui rendre visite.
Parce que les gens ne veulent pas venir chez toi, ce n’est pas intéressant! Lui, il dort. Puis toi bien tu as des choses à faire quand il dort, hein, tu en profites pour faire les affaires que tu ne peux pas faire quand tu es... il est réveillé. Parce que je veux ci, je veux ça, viens t’asseoir, je suis tanné de te voir bouger.
Les proches aidants vivent de l'isolement de différentes façons. Rowdyneko s'est sentie isolée sur le plan émotionnel. Selon elle, les autres personnes ne comprenaient pas sauf si elles avaient vécu une expérience similaire. De même, Mme Smith se sentait comme si elle n'avait personne vers qui se tourner et elle a décidé de se joindre au groupe local de proches aidants.
L'aide et le soutien moral que Madhu aurait reçus dans sa culture lui manquent. Elle se sent beaucoup plus seule au Canada.
Cela faisait partie de ma culture, je veux dire que c'est notre devoir. Ma belle-sœur est venue des États-Unis pour aider lorsque ma mère était à l'hôpital. Je n'avais jamais pensé à obtenir de l'aide pour elle. Je dis que : « Nous sommes supposés de donner de l'aide. » C'était seulement ce que je savais, c'était ce que je savais à ce moment-là.
Claire et Luke ne sont pas toujours capables de participer aux rencontres familiales ou chez des amis parce que leurs maisons ne sont pas accessibles.
Pour nous, être incapables d'y aller? Je pense qu'au début c'est une nouvelle expérience pour eux aussi, n'est-ce pas? Comme ce le fut pour moi, c'est comme « D'accord, c'est un problème. » Je crois que ceux dont la maison est accessible sont vraiment heureux, contents et chanceux que ça fonctionne.
Certains proches aidants expliquent qu'ils ont commencé à inviter les gens chez eux plus souvent parce que c'était plus facile pour eux de les recevoir à la maison. Shayna nous parle également de l'importance d'être invitée aux événements sociaux même si le bénéficiaire de soins ne peut y participer.
Shayna a écrit une lettre au nom de son époux pour demander aux gens d'apprécier leur journée pour que son absence ne soit pas une source de distraction.
audioclip
Transcription
Les mariages! Oh, oh! J'ai marié mes deux enfants. Pour mon plus jeune, pour toutes sortes de raisons, le mariage était loin de la maison et nous devions voyager. En rétrospective, je ne sais pas comment j'ai fait – comment nous avons amené cette personne multi-handicapée à cet endroit – c'était vraiment bien et nous avons réussi. Pour le mariage de mon fils, il a abouti aux soins intensifs la semaine avant le mariage. Mon fils est venu me voir et il m'a dit : « C'est mon mariage. Tout le monde va me demander des nouvelles de mon père. Qu'est-ce que je vais faire? » Alors, comme j'avais la procuration de mon époux, dans les faits j'ai écrit une lettre de sa part – les gens ne savent pas comment agir, alors vous devez leur dire. À ce moment-là j'étais plus âgée et j'avais un peu plus d'expérience. Jai donc écrit une lettre et j'ai demandé au père de la mariée de la lire à tout le monde présent. La lettre disait que c'était le mariage de son fils et il les priait de ne pas parler de lui, mais de faire de cette journée un jour de fête. J'avais espéré qu'en donnant cette directive aux gens et en la faisant lire par le père de la mariée, les gens sauraient quoi faire. Et la plupart l'ont su. Il y a eu quelques personnes – j'ai eu un monsieur qui était de l'extérieur – il était même médecin – qui est venu me voir et il m'a dit : « C'est ce qu'il faut que vous fassiez. Bla, bla, bla. » Et je lui ai répondu : « Ce n'est pas le moment. » « Mais je dois vous dire. » J'ai dit : « Mais ce n'est pas le moment. » « Mais je quitte la ville demain! » J'ai dit : « Ce n'est pas le moment » et je suis partie. Mais je n'aurais pas pu faire ça il y a 20 ans, 15 ans, 10 ans. Vous apprenez à assumer ce rôle et vous apprenez à réaliser que personne ne comprendra de toute façon, alors vous faites ce que vous croyez devoir faire. Pour moi c'était de permettre à mon époux d'être le plus indépendant possible, de fonctionner comme une famille autant que possible, aussi normalement que possible, bien que normal soit très relatif.
Jacques a noté qu'il est important de demeurer positif et de ne pas laisser les pensées négatives avoir un impact sur votre vie sociale et votre style de vie.
Négatifs? Qu’est-ce que ça serait? Bien l’aspect négatif, c’est qu’évidemment ça nous oblige. Ça c’est évidemment quand tu as un enfant comme ça, des fois tu n’es plus libre comme tu l’aurais été autrement. Mais c’est ça que je trouve le seul point négatif.
Elaine doit faire un effort pour garder le contact avec ses amis. Vous ne pouvez pas toujours vous attendre à ce que les gens viennent vers vous.
Nous avons un grand nombre d'amis avec qui nous continuons de garder le contact. Nous déjeunons avec un bon nombre d'entre eux une fois par semaine. J'avais l'habitude de recevoir à dîner fréquemment et je trouve que je le fais de moins en moins parce qu’à ce moment de la journée, mon époux ne fonctionne pas très bien et ça lui cause beaucoup de stress de recevoir des gens à dîner.
Plusieurs proches aidants ont trouvé beaucoup de soutien auprès de leurs groupes d'entraide locaux. Vous pouvez en apprendre davantage à ce sujet sur la page thématique Ressources ou trouver des groupes locaux de proches aidants dans la section Prendre soin de soi. Dans Prendre soin de soi vous pouvez apprendre comment les gens que nous avons interviewés se sont occupés de leur bien-être.