Anne
Prend soin de son époux et de sa fille
Âge à l'entrevue: 62
Début de prestation des soins à l'âge de: 37
Anne (62 ans) vit avec son époux et deux de ses trois enfants adultes. L’époux d’Anne est devenu tétraplégique à la suite d’une maladie il y a 25 ans alors qu’ils étaient mariés depuis seulement cinq ans. Il a présentement besoin d’une aide constante pour se nourrir et prendre ses médicaments. La plus jeune fille d’Anne a eu un grave accident d’auto il y a neuf ans et elle a subi un traumatisme crânien sévère. Elle est maintenant âgée de 24 ans et requiert des soins spéciaux à la maison, tout comme son père.
Anne travaille durant la journée et son époux est capable de rester à la maison sans assistance pendant que sa fille est impliquée dans des activités régulières avec du personnel rémunéré. Maintenant que ses enfants ont grandi et peuvent lui apporter de l’aide, les tâches d’Anne se sont un peu allégées.
Lorsqu’Anne et son époux avaient deux jeunes enfants (18 mois et 3 ans), il a été admis à l’hôpital pour une maladie qui a finalement occasionné une tétraplégie intermittente et de la douleur chronique. Par la suite, il a passé une année dans un centre de réadaptation. Malgré tout, l’époux d’Anne est retourné à leur nouvelle petite maison dans un fauteuil roulant sans pouvoir se déplacer. Ils n’ont pas investi beaucoup d’effort dans l’adaptation de leur maison, étant convaincus qu’il se rétablirait complètement. Cette période a été exigeante physiquement pour Anne puisqu’elle devait transférer son époux du fauteuil roulant au lit et l’aider à faire sa toilette dans une petite salle de bain.
L’époux d’Anne a continué de travailler dur à sa réadaptation, il était à l’hôpital pendant la semaine et à la maison les week-ends. Il a appris à faire le transfert du lit à son fauteuil roulant. Bien que cette période fût remplie d’incertitudes à propos de ce qui allait se passer, la famille continuait d’espérer une bonne récupération. Cinq ans plus tard, ils ont réalisé qu’il ne marcherait plus, et avec le temps, son époux est devenu plus fragile et sa douleur a augmenté considérablement.
Au cours des premières années, la vie d’Anne a complètement changé. Son mariage s’est transformé en une relation de proche aidante et elle a dû trouver un emploi à temps plein et s’occuper de deux jeunes enfants. Cependant, elle a réussi à avoir une carrière intéressante tout en s’occupant de son époux, de sa fille et de sa maison. Elle décrit cette période comme étant longue et stressante, sans répit ou de temps pour elle-même.
Anne a reçu peu d’information et de soutien pour son époux durant les derniers 25 ans. À partir du moment où il est revenu à la maison après son hospitalisation, il n’y a eu aucune information ou système de soutien pour ses soins. Ils ont eu un peu de soutien de la part de la famille de son époux mais ils sont éventuellement disparus de leurs vies, à l’exception de quelques rares visites annuelles de ses deux frères.
La famille d’Anne reçoit maintenant 45 minutes d’assistance de l’Association canadienne de counselling et de psychothérapie (ACCP) qu’elle s’est vu accorder seulement à la suite de quelques chutes graves de son époux. À chaque année, ils ressentent une pression croissante de l’ACCP pour réduire les 45 minutes attribuées à leur cas bien que les besoins de l’époux d’Anne ont augmenté avec l’âge. Une des inquiétudes d’Anne est que, sous la pression, son époux pourrait être d’accord de réduire le temps qui leur est alloué. Elle s’inquiète également de ce qui arrivera lorsqu’il ne pourra plus rester seul à la maison pendant le jour à cause de ses forces réduites.
La seconde responsabilité principale de prestation de soins d’Anne a commencé il y a neuf ans lorsque sa fille a été hospitalisée pendant une année à la suite d’un accident d’auto. Anne a quitté le travail pendant six mois. Elle est retournée seulement lorsque ses superviseurs lui ont suggéré qu’elle pourrait démissionner. Sa fille est restée avec des séquelles cognitives importantes bien qu’elle ait récupéré physiquement et qu’elle soit capable de demeurer à la maison.
Quand la fille d’Anne était jeune, elle a reçu beaucoup de soutien de la famille et des programmes pour les enfants atteints de déficience intellectuelle comme elle. À 25 ans, elle a moins d’opportunités de soutien de la part des programmes de santé ou des programmes sociaux et elle est relativement isolée à la maison. Elle sort quotidiennement avec du personnel de soutien rémunéré, ce qui est couvert en partie par les assurances de son accident. Anne essaie d’équilibrer les soins et le temps qu’elle passe avec sa fille et son époux, mais elle se sent souvent à la limite et a très peu de temps pour elle.
Cette situation a éprouvé la santé d’Anne. Elle souffre de maux de dos chroniques depuis qu’elle a commencé à offrir des soins physiques à son époux. Elle souffre d’épuisement et elle a eu une période dépressive pendant l’époque mouvementée où ses enfants étaient encore jeunes. Elle a été hospitalisée pour le stress, bien qu’au départ on soupçonnait qu’elle avait eu une crise cardiaque. Elle est restée à l’hôpital pendant une semaine complète et elle rit lorsqu’elle raconte comme il est triste que cette période de repos ait été une expérience merveilleuse – elle a été capable de dormir pendant tout ce temps.
Par la suite, elle a réalisé qu’elle devait faire des changements comme, par exemple, prendre plus de temps pour elle. Maintenant, Anne prend le temps de voir sa famille élargie, mais elle a peu d’amis parce qu’elle n’a jamais pu investir dans des amitiés. Maintenant que ses filles sont grandes, la situation est devenue plus facile. Après des années sans aucune vacance, elle a pris sa première semaine de vacances. Elle a atteint un point tournant lorsque plus rien n’avait de sens pour elle et qu’elle fut confrontée à un côté de la vie qu’elle n’avait jamais vu avant et qu’elle ne voulait pas connaître. Elle était triste de se rendre compte qu’il y avait autant de gens ayant eu des expériences similaires qui se soient suicidés. Elle explique que la vie peut être vraiment horrible lorsque vous avez peu de moyens et de soutien.
Au cours des 25 dernières années, Anne a traversé d’innombrables problèmes émotionnels et elle est parvenue à les résoudre. Aujourd’hui, elle se sent bien émotionellement. Elle a trouvé de l’aide dans les livres de spiritualité et de psychologie populaire, ainsi que dans la méditation. Elle apprécie les offres d’aide comme, par exemple, le cousin de son époux qui a pris soin de ce dernier à deux reprises afin qu’elle puisse sortir. Anne a accepté ces offres, en sachant que l’avenir est incertain mais que le présent est réel.
Plus de contenu
- L’évolution des soins au fil du temps – AnneRécemment l'époux d'Anne peut difficilement se rendre à sa chaise par lui-même. Elle est inquiète de ce qui arrivera par la suite.
- Découvrir pourquoi et comment les proches aidants dispensent des soins – AnneAnne pense qu'elle ne se sentirait pas bien si son époux était dans un établissement de soins.
- L’avenir et la prestation de soins – AnneAnne s'inquiète du jour où son époux ne pourra plus s'assoir dans son fauteuil roulant, mais elle dit : « Ce qui arrivera, arrivera. Il n'y a rien que je peux faire. »
- Soutien de la part de la famille et des amis – AnneLorsque la famille de son époux s'est éclipsée, ce fut vraiment un choc pour Anne.
- Interaction avec les professionnels – AnneAnne est frustrée du manque de soins pour son époux et ne l'accompagne plus chez le médecin.
- Impact sur la santé – AnneLe stress s'est accumulé jusqu'à ce qu'Anne soit admise à l'hôpital pour une semaine.
- Qu’est-ce qui a fonctionné pour les proches aidants – AnneAnne trouve que certains livres l'aident à gérer ses sentiments.
- Conseils aux professionnels et à la société – AnneAnne aimerait que les agences de soins à domicile fournissent les soins dont les bénéficiaires ont besoin au lieu de toujours les menacer de les réduire.
- S’adapter aux nouveaux rôles et les principaux enjeux pour les conjoints – AnneAnne ressent la perte de son mariage. « Une personne qui souffre d'une maladie chronique n'a ni l'énergie, ni la patience. »
- Que signifie être proche aidant? – AnnePour Anne ce n'est que traiter un être humain comme un être humain.