Les femmes que nous avons rencontrées en entrevue nous ont parlé de leurs expériences au sein du système de santé. Plusieurs ont affirmé qu’elles s’estimaient satisfaites de celui-ci ou à tout le moins en partie. Elles ont souligné des aspects qu’elles ont appréciés tels qu'une organisation efficace des soins, une bonne collaboration entre les établissements, la transition harmonieuse entre les soins de santé privés et les soins de santé réguliers et elles ont exprimé leur gratitude de recevoir des soins gratuitement. Mais la plupart des femmes ont également fait face à des difficultés et des problèmes au sein du système de santé. Nous présentons ci-dessous leurs expériences dans la gestion de leurs soins, la navigation dans le système de santé, les problèmes qu’elles ont rencontrés et leurs conseils pour améliorer le système.
Gestion de leurs soins
La plupart des femmes ont dû apprendre à gérer leurs soins et à naviguer dans le système. Elles nous ont fait part de certains points tels que faire son propre chemin et être son propre défenseur, ne pas reculer, ne pas avoir peur. C’est beaucoup de travail ou c’est difficile et il faut se fier seulement à son instinct ou faire preuve de cran. Shelley a trouvé laborieuse la gestion de ses propres soins lorsqu’on n’a pas toute l’information.
Les femmes décrivent ce qu’elles font pour améliorer la gestion de leurs soins, comme écrire l’information et l’organiser dans des dossiers. Quelques-unes ont sélectionné leurs propres médecins ou ont demandé une deuxième opinion (voir aussi la section Relations avec les professionnels de la santé).
Certaines femmes ont également mentionné leur usage ou leur désir d’utiliser la marijuana, que ce soit pour le contrôle de la douleur ou pour améliorer la perception gustative. Elles estimaient que ce traitement devrait être disponible plus facilement pour les patientes. Bien que certains cliniciens soient favorables, les systèmes ne sont pas en place partout pour la prescription et la livraison.
Navigation dans le système
La navigation au sein du système de santé n’a pas été facile pour la plupart, particulièrement lorsque les femmes avaient plusieurs tâches à faire sur une courte période. Elles évoquent les moyens qui pourraient faciliter les choses, tels qu'être capable de parler à une infirmière pivot ou éduquer les patientes à propos de leur maladie afin qu’elles puissent gérer leurs soins. Les femmes avaient des opinions différentes concernant la responsabilité de la gestion de leur maladie. Kathryn a déclaré : « Cette maladie est la mienne, ce n’est pas seulement celle des médecins et je vais le faire à ma façon. », alors que d’autre part Christine a mentionné : « Je suis tellement loin des classes d’anatomie, de chimie et de biologie, j’en ai aucune idée. Alors vous êtes les professionnels, vous devez comprendre ce qui se passe. »
Bien que tout le monde ait des approches et des niveaux de confort différents pour aborder leur maladie, l’adaptation au « système » était problématique. Comme le mentionne Laurie : « Mes dossiers médicaux sont éparpillés dans neuf lieux différents et aucun ne possède le dossier complet. Je suis la seule à connaître tout l’historique, ce qui n’est pas une bonne chose, vraiment pas. » D’autres femmes ont également noté qu’elles ou leur médecin de famille étaient les seules personnes qui détenaient le portrait complet.
Continuité des soins
Lorsque Laurie a appris qu’elle était atteinte d’un cancer du sein, sa première inquiétude fut d’avoir à traiter avec le corps médical. À l’instar de Laurie, plusieurs autres femmes se sont exprimées sur la nécessité de subir une variété de traitements dans des endroits différents. Par exemple, Jeanette a été déplacée d’un endroit à un autre immédiatement après que le fil guide pour la biopsie ait été mis en place et elle a dû tenir une coupelle sur son sein pour le protéger. Ginette a mentionné les impacts financier et physique de se déplacer à différents endroits. La distance pour recevoir les soins était un problème pour plusieurs femmes. Les services de radiothérapie de Jocelyn étaient à deux heures de route; certaines femmes ont dû demeurer dans une autre ville pendant leur traitement. Voir Radiothérapie.
Les communications avec les équipes de soins de santé ainsi qu’entre les établissements ont été soulignées comme un problème pour certaines.
Shelley indique qu’elle avait une bonne communication avec ses professionnels de la santé mais qu’il y avait un manque de communication entre eux. Amanda pense que malgré le système électronique elle était quand même le « lien » pour s’assurer que toute l’information était au bon endroit. Debbra vous prévient de vous assurer que la pharmacie soit au courant des médicaments que vous prenez parce qu’elle n’est pas toujours reliée à l’agence du cancer. Julia et Tina ont refusé l’hormonothérapie et leur oncologue les a informées qu’il ne pouvait plus assurer leur suivi. Julie voit présentement un naturopathe et Tina voit son chirurgien. Nadia (A) a mentionné ne jamais appeler son médecin pour un suivi et qu’elle attendait que celui-ci la contacte. Sa fille, qui était présente lors de l’entrevue, a souligné l’hésitation des personnes d’une autre culture à contacter le médecin pour un suivi.
Les temps d’attente représentaient un problème pour plusieurs femmes. Certaines d’entre elles nous ont parlé des temps d’attente avant les rendez-vous et d’autres des longues périodes d’attente entre le diagnostic et le premier traitement. Le temps leur a paru particulièrement long lorsqu’elles n’avaient pas encore de système de soutien en place. Plusieurs femmes pensaient que c’était une des choses les plus importantes à améliorer au sein du système de santé.
Cadres de pratique privée
Plusieurs femmes ont subi des traitements en pratique privée, quelques-unes pour accélérer les traitements. Cependant, certaines femmes se sont retrouvées en pratique privée accidentellement, comme par exemple Annie qui pensait que son assurance couvrait les services en clinique privée. Malgré les coûts additionnels, les femmes étaient contentes d’avoir accès aux soins en temps opportun dans les cliniques privées et elles estimaient qu’il y avait une bonne collaboration entre la clinique et le système régulier.
Processus inapproprié
Certaines femmes ont subi des interventions ou eu des interactions inappropriées avec le système, ce qu fut difficile émotionnellement. Lorna a reçu un appel pour prendre un rendez-vous de dépistage après sa mastectomie et Amanda a souligné sa frustration de devoir raconter son historique familial encore et encore.
Conseils
Les femmes ont suggéré d’offrir plus de soutien aux professionnels de la santé afin qu’ils puissent passer plus de temps avec les patients. Une « trajectoire du cancer du sein » pourrait aider les patientes à éviter des problèmes, à ne pas tomber entre deux chaises du système (par exemple, de meilleurs conseils au sujet de l’exercice et de la physiothérapie après une lymphadénectomie). Certaines femmes ont mentionné la formation du personnel afin d’adopter une approche globale de la personne et de porter une meilleure attention au bien-être émotionnel des patientes, par exemple fournir plus de centres de bien-être. Amanda mentionne qu’il est essentiel pour sa province de couvrir les coûts associés à la préservation des ovules. Elle a aussi souligné l’importance d’avoir des services d’urgence séparés pour les personnes qui subissent des traitements de chimiothérapie parce qu’elles ont un système immunitaire déficient.