Impacts sur la personne et la vie quotidienne

Les personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenu·es ont décrit les effets de la COVID longue sur leur vie quotidienne et sur leur sentiment d’identité. Elles nous ont expliqué que la COVID longue produisait des effets profonds sur leurs capacités physiques et mentales, de sorte que même les activités routinières, telles que dresser une liste de courses, lire un livre, se promener ou prendre une douche, devenaient difficiles, voire impossibles pour nombre d’entre elles. Certaines personnes sont devenues anxieuses ou déprimées à cause de cela. D’autres ont parlé de chagrin et de deuil de leur ancienne vie parce qu’elles ont l’impression de ne plus être celles qu’elles étaient auparavant.

 

Perte de capacité physique

Nombre de nos participant·es étaient incapables de fonctionner physiquement comme avant la COVID longue. En règle générale, cela signifie qu’iels ne pouvaient pas faire d’exercice ou effectuer des tâches physiques comme le ménage ou le jardinage sans en subir les effets néfastes. Pour les personnes souffrant de fatigue chronique sévère ou du syndrome de tachycardie orthostatique posturale (STOP — qui provoque des vertiges, un essoufflement, des douleurs thoraciques et des palpitations cardiaques), le simple fait de sortir du lit ou de prendre une douche peut s’avérer difficile.

La vie de Cher a été considérablement réduite par la COVID longue.

Transcription

I can breathe, and yes, my heart still works, and yes, I can get myself to the bathroom and back. But pretty much everything else in my life I’m not able to do. I can’t walk down the stairs, I can’t get to the end of my hallway, so I’m […]

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Le fait de ne pas pouvoir marcher très loin ou de ne pas pouvoir faire d’exercice a eu un impact important sur de nombreuses personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenu·es. William « courait beaucoup et faisait du jogging », mais, nous dit-il, « je ne le fais plus vraiment ». Kari « allait à la salle de sport quatre fois par semaine, pratiquait la musculation et la course à pied… Maintenant, je ne peux plus rien faire de tout cela ». Paulina a deux chiens. Elle explique : « J’essaie de les promener. Parfois, je dois appeler mon mari pour qu’il vienne me chercher au bout du chemin parce que je ne peux pas revenir ». Ruth manque toute une série d’activités qui constituent une part importante de sa vie. Elle nous a dit : « Je ne peux pas vraiment me promener, encore moins courir, jardiner, pelleter. Je sais, on pourrait penser que je n’ai pas besoin de pelleter, mais je le veux… J’avais l’habitude de nager… La dernière fois que j’ai essayé, je pense que j’ai exécuté quatre poussées. Mon mari a dû me sortir de la piscine parce que j’étais étourdie. Et j’ai commencé à vomir ».

Pour Carrie2, l’exercice st synonyme de santé mentale.

Transcription

Exercise – this is the hardest part about all of this – exercise was my mental health. So that is what I did to destress from work. I used to do an hour spin class followed by an hour of boxing. Now that was gone because of the pandemic a […]

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Lyse avait l’habitude de marcher deux heures par jour. Aujourd’hui, elle a du mal à faire l’aller-retour jusqu’à l’épicerie du coin.

Transcription

Moi je suis une fille qui pouvait marcher 30 à 40 000 pas par jour, juste faire… Me promener avec mon petit chien, je pouvais partir après le travail, marcher deux heures, puis arriver à… M’en venir après ça, préparer mon souper. Mais là maintenant, j’ai de la misère à […]

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Outre la capacité de faire de l’exercice, certain·es de nos participant·es ont ressenti d’autres effets physiques. Hollie a perdu le goût et l’odorat. Elle nous a dit : « Chaque fois que vous mangez, c’est pour survivre. Ce n’est plus agréable ». Cathy ne supporte pas la lumière du soleil, le bruit ou les stimulations extérieures. Elle explique : « J’ai des hypersensibilités folles à la lumière du soleil… Cela me rend malade. Je ne peux pas être entourée de bruits intenses. J’ai dépensé des centaines de dollars pour acheter des bouchons d’oreille spéciaux […] pour atténuer le son ». Ruth « vient de commencer à fréquenter des amis… en très, très petits groupes, parce que le niveau de bruit… m’épuise ».

Cathy doit planifier ses conversations, car parler lui cause des douleurs et de l’essoufflement.

Transcription

I still, after two years, I schedule my talking time per day. I’m talking to you. I might talk with you for an hour or so and that will be pretty much it. With my friends, my family, they know. If they call and I say, well, I already talked […]

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Difficultés à accomplir les tâches et les activités quotidiennes

La perte de capacité physique a rendu difficile, et parfois impossible, l’accomplissement des tâches quotidiennes telles que la lessive, le nettoyage, la préparation des repas ou les courses, pour les personnes atteintes de COVID longue. Comme l’a constaté Melissa, « je ne peux plus aller faire les courses, sauf pour trois ou quatre articles. À moins que je ne prenne de l’Advil ou quelque chose contre la douleur avant d’y aller, parce que je ne peux pas rester debout ». Les courses sont également difficiles pour Hollie qui déclare : « Faire la queue, c’est horrible… on ne sait jamais si on va s’évanouir ». Violaine nous décrit le « kit » dont elle a besoin pour tenter un très court déplacement à la pharmacie. Comme elle nous l’a dit, « Je réussis à aller des fois faire une mini course dans une pharmacie. Aller chercher une chose qui prend une ou deux minutes. Mais il faut que j’aie ma canne, mes cache-oreilles, des lunettes fumées… Parce que sinon, j’ai l’impression que je vais perdre connaissance. Je deviens hyper étourdie. »

D’autres tâches quotidiennes peuvent s’avérer tout aussi difficiles. Kari nous a dit : « Je ne peux plus nettoyer ma maison d’un seul coup comme avant… Je dois fractionner les tâches… Nous n’avons pas une grande maison et j’ai de la chance si je peux passer l’aspirateur dans toute la maison en une seule fois ». Maggie estime que la COVID longue « m’a privée de mon indépendance… Je ne peux pas conduire, je ne peux pas cuisiner… même prendre une couche est problématique… me sécher les cheveux est problématique ».

Pour Lyse, les tâches quotidiennes sont désormais insupportables.

Transcription

Les tâches quotidiennes, bien ça, elles sont devenues insupportables. Je commence, mettons je commence le souper, je vais couper mes légumes, puis s’il faut que je fasse un sauté ou quoique ce soit, là je prépare mes légumes, je les mets au frigo. Puis là bien je vais les continuer […]

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Perte d’activités agréables

Le fait de se sentir physiquement faible et d’être incapable de tolérer le bruit, la lumière et les stimulations extérieures a également entraîné la perte de plaisirs simples pour bon nombre de nos participant·es. Certaines personnes avec qui nous avons parlé ont déclaré qu’elles souhaitaient simplement passer plus facilement du temps à l’extérieur ou aller se promener. Violaine a parlé de son sentiment de perte de ne plus pouvoir s’adonner à des activités qu’elle appréciait dans le passé. « Aller au théâtre, aller au cinéma. Aller entendre des concerts … tout ce qui fait qu’on savoure au maximum l’existence, bien non! T’sais il y a des grandes, grandes pertes de ce côté-là. »

 

Perte des capacités cognitives

Nombre de nos participant·es se sont décrit·es comme souffrant d’un brouillard cérébral. Il s’agissait notamment d’une incapacité à se concentrer et à focaliser, de problèmes de mémoire et de difficultés à traiter les chiffres ou les informations abstraites. En outre, l’effort mental semble souvent aggraver les symptômes physiques. Comme le dit Tanya, « mes capacités mentales sont loin d’être ce qu’elles étaient. Je ne me souviens plus de rien. Je trouve que l’effort mental aggrave tous mes symptômes. Ce n’est donc pas seulement l’activité physique qui m’épuise, mais aussi l’énergie cognitive ».

La perte des capacités cognitives a entraîné des difficultés dans un grand nombre d’activités quotidiennes. Lyse a renoncé à conduire parce qu’elle ne peut pas se concentrer et qu’elle ne veut pas provoquer d’accident. « Je n’attendrai pas de tuer quelqu’un ou me tuer ou me blesser à vie. Fait que j’ai remis ma voiture au concessionnaire. Je n’ai plus d’auto. » Cathy remarque « J’ai de la difficulté à effectuer mes opérations bancaires en ligne, de remplir des formulaires… C’est embarrassant… J’étais une personne multitâche, pleine d’énergie. Et maintenant… je me sens comme… une personne âgée fragile atteinte de démence ».

Violaine a du mal à passer une commande d’épicerie en ligne.

Transcription

Avant de vous parler, il a fallu que je fasse une commande à l’épicerie, parce qu’il n’y a plus rien dans le frigo, mais juste faire ça là, l’énergie mentale que ça me demande être sur un écran, cliquer sur ce qu’il faut dans la maison pour nourrir mes enfants, […]

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Clémentine se questionne sur son identité si elle ne se souvient de rien.

Transcription

I think I always identify myself as someone who had a really good memory and so knowing that I can’t rely on that part of my identity kind of makes me sometimes really question my value and my self-worth. Like wondering who am I if I can’t memorize anything? Am […]

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De nombreux·ses participant·es se sont dit·es incapables de lire, de regarder la télévision ou d’écouter de la musique, à la fois par manque de concentration et parce que cela les rendait physiquement malades. Paulina nous dit : « J’avais l’habitude de lire de nombreux livres. Je ne peux pas aller au-delà de deux ou trois pages, parce que je… m’endors. C’est tellement épuisant mentalement ». Jennifer 1 a adopté une stratégie consistant à écouter des livres audios ou à relire des livres qu’elle avait déjà lus, parce que c’est plus facile que d’en lire de nouveaux.

Ruth est heureuse de retrouver sa capacité à lire et à écouter de la musique.

Transcription

I would read books chapter after chapter. I can read a couple of pages now. Which that kind of changed sometime around November. I remember, I could actually read a whole page. Which is just really odd, because I would read and I didn’t know what I was reading anymore. […]

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Accepter l’invalidité permanente

La plupart des personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenu·es connaissaient un certain degré d’amélioration, aussi minime soit-il, ou gardaient l’espoir que les choses s’amélioreraient avec le temps. Cependant, plusieurs de nos participant·es ont estimé que, pour reprendre leur vie en main, iels devaient se confronter au fait qu’iels étaient désormais handicapé·es de manière permanente. Jennifer 2 a essayé de poursuivre sa carrière d’avocate et sa vie active, mais elle a fini par se rendre compte que c’était devenu impossible. Elle conclut : « Pour faire face à la COVID, vous devez admettre… à quel point vous êtes vulnérable. Il faut l’accepter, l’admettre et accepter de l’aide… et on doit être prêt·e à apporter des changements radicaux à sa vie, comme prendre sa retraite, déménager… des décisions énormes, vraiment énormes. » Carrie 1 est arrivée à une conclusion similaire. Elle a déclaré : « J’espère toujours faire partie des 5 % de personnes qui bénéficient d’une rémission et qui se réveillent spontanément pour vivre comme avant. Il y a toujours un tout petit peu d’espoir… Mais… si quelqu’un vous dit que vous avez 95 % de chances de mourir, vous allez probablement préparer votre testament et mettre de l’ordre dans vos affaires… Je vais donc mettre de l’ordre dans ma vie, parce que c’est ma nouvelle normalité. »

Cher a été confrontée à l’idée d’une invalidité permanente lors d’une session de soutien en ligne.

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In those sessions I did find out, in, I guess, March, that we were supposed to – that they were suggesting that we apply for disability benefits. And that totally gobsmacked me. I was like, « What? What do you mean?” I was still under the impression that I was going […]

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Faire le deuil de son ancienne vie et de son ancien moi

L’impact de la COVID longue a changé la vie de la plupart des personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenu·es. Nos participant·es nous ont parlé non seulement de la manière dont leur vie était différente, mais aussi du fait que la COVID longue leur a donné l’impression de ne plus être comme auparavant. Plusieurs ont utilisé le langage du chagrin et du deuil, comme si quelque chose s’était rompue ou qu’une personne était morte.

Paulina a l’impression d’être « encore dans le processus de deuil… Je ne peux même pas aller me promener dans la nature. Je ne peux pas faire les petites choses qui nous apportent de la joie tout au long de la journée ». William décrit la COVID longue comme « un changement de vie. En apparence, j’ai l’air normal, mais… je ne suis plus comme avant, du moins pour le moment ». Maggie a l’impression que la COVID longue « m’a privée de mon indépendance ». Quant à Cathy, « elle contrôle ma vie. Elle m’a tout pris ».

 

Changement de personnalité

Plusieurs personnes avec lesquelles nous avons discuté nous ont dit que le fait de vivre avec la COVID longue avait changé leur personnalité. Le sentiment le plus fréquent est qu’elles ont perdu leur patience. Nicole a l’impression que sa « mèche est beaucoup plus courte ». Lyse était autrefois considérée comme un « ange de patience » par son employeur. Aujourd’hui, elle se met très facilement en colère et a l’impression que ce n’est pas elle. « J’ai même eu à un moment donné d’un employeur, un cadeau de Noël, un ange de la patience. Elle m’a dit : “Je te donne ça, parce que toi tu es super patiente.” Mais depuis la COVID, non, je n’ai pas de patience. Je me fâche rapidement. »

Une autre observation commune chez les personnes qui se sont toujours considérées comme des aidantes, elles ont désormais elles-mêmes besoin d’aide. Comme le mentionne Emily : « Cela remet en question mon identité parce que j’ai toujours été cette personne qui n’est jamais limitée… Je suis celle qui aide les autres et non celle qui compte sur les autres ».

Plusieurs personnes ayant déclaré que leur identité était en partie ancrée dans le fait d’être très énergique ont estimé que la COVID longue les avait fondamentalement changées. Par exemple, Coucoute nous a dit : « Je suis une autre personne, ça, c’est sûr, je ne suis pas comme avant … Avant j’étais tellement bien et rapide et efficace, avoir de l’énergie. Mais je n’ai plus d’énergie … Ah! Je ne suis plus comme avant. »

George était autrefois une personne athlétique et pleine d’énergie. Il affirme que cela a fondamentalement changé.

Transcription

I didn’t realize how much this would affect my identify. So, I identify as somebody who’s like healthy and vigorous and I can work a lot. Literally, one of my superpowers of working is the ability to not get tired. I never need sleep. I can survive on three, four […]

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Cathy a l’impression d’avoir dû modérer sa personnalité.

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I am not even the same person that I used to be. I talk like a cotton-picking robot. I’m so used to speaking slowly now so I can breathe. It also, if I speak slowly, it stops the burning. Sorry. It stops the burning in my chest. Because if I […]

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Jean a l’impression d’avoir perdu le contrôle de sa vie.

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The hardest part is probably the fact that I feel like I’ve lost control over the direction of my life. I always felt intelligent as well and not being able to read properly off of a computer screen, you know, having to drop out of school, out of that course […]

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Ruth affirme que la COVID longue est la chose la plus difficile qu’elle ait jamais eu à affronter dans sa vie.

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And what I can say is that this has been the hardest journey, the hardest thing I’ve ever had to deal with in my life, and I’m still dealing with it. It’s been very upsetting, it switched, and it completely changed my life. Not for the best. And I’m unable […]

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Carrie1 a renoncé à des projets de longue date.

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My plans for my 40’s were to go hiking in the Compostela. And I had been saving money since I was 36. So for many years, I’ve been saving money to go backpacking alone in Europe, because I was like, “Cool, my kid will be five.” I started saving money […]

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Violaine affirme que la personne qu’elle était n’existe plus.

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Actuellement, je suis une personne radicalement différente de celle que j’étais avant de contracter la COVID puis de développer la COVID longue. C’est très difficile pour moi de regarder des enregistrements que j’ai faits pour mes étudiants, par exemple, avant d’être malade. Ou de regarder des entrevues que j’ai données, […]

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Kari explique que la COVID longue est une énorme montagne russe, émotionnelle et psychologique.

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Like everyday I have to talk to myself that it’s OK and it’s got to get better and, because I have said to my psychologist, I understand, not that I want to, but I understand why people take their life, because they truly feel like there’s no point and they’re […]

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Dernière mise à jour2024-03