Incidences sur le travail et la carrière

La COVID longue a eu un impact sur la vie professionnelle et la carrière des personnes avec lesquelles nous avons parlé, car elle a affecté leurs capacités mentales et physiques. Le brouillard cérébral et la fatigue physique ont rendu difficile, voire impossible, pour certains individus, d’effectuer leur travail. Cela a parfois entraîné des difficultés financières si la personne touchée ne disposait pas d’une assurance publique ou privée pour l’aider à remplacer les revenus perdus. Les gens qui aimaient leur travail ou pour qui le travail et la carrière constituaient une part importante de leur identité ont également été confrontés à des problèmes émotionnels.

 

Conséquences du brouillard cérébral

Le brouillard cérébral, ou l’incapacité à se concentrer ou à traiter des informations complexes ou abstraites, y compris le travail avec les chiffres, représente l’un des facteurs les plus courants qui affectent la capacité des gens à travailler. De nombreuses personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenu·es se sont décrites comme souffrant d’un brouillard cérébral qui affectait leur capacité à fonctionner au jour le jour. Les personnes dont les emplois impliquent beaucoup de travail intellectuel sont particulièrement touchées. Comme l’explique Jason, « je suis un professionnel du savoir, ce qui signifie que mes activités quotidiennes requièrent une attention très soutenue et une pensée critique. Je suis victime d’un brouillard cérébral assez constant qui me gêne et d’échéance qui ne bouge pas… Je me force à essayer de me mettre dans le bon état d’esprit pour accomplir ce travail, très cognitif et très lourd, qui doit être fait ». Maggie est consultante et administratrice de recherche. Elle nous dit : « J’ai accepté de participer à une réunion stratégique d’une durée de trois heures il y a quelques semaines. Il m’a fallu une semaine pour m’en remettre. Parce qu’il s’agissait de trois heures de réflexion active et de tentative de faciliter le développement d’une stratégie pour une organisation. C’était donc une réflexion difficile et je n’avais pas mesuré à quel point je me sentirais épuisée. »

Chris a un employeur qui le soutient, mais il a l’impression que le brouillard cérébral a un impact sur sa carrière.

Transcription

You know, understanding only goes so far. The work still needs to get done and there’s still things that I can’t do as readily or at all sometimes. Especially because my job is pretty analytical and I have these days where I have this brain fog, have this lack of […]

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Jennifer2 est avocate. Elle a décidé de prendre sa retraite parce qu’elle craignait de commettre de graves erreurs au travail.

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I used to be really, really good at multitasking. I was also very, very good at reading a file with a complex set of facts. I think my strength was being able to read something and immediately say, “OK, here’s the problem.” But what I started doing is I started […]

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Répercussions de la faiblesse physique et de la fatigue

Certaines personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenu·es occupaient un emploi qui les obligeait à se pencher, à soulever des charges, à rester debout pendant de longues périodes ou à effectuer un certain type de travail physique. D’autres avaient des emplois de bureau, mais pouvaient également être affectées par la fatigue physique. Toutes ont constaté qu’elles devaient soit modifier leurs conditions de travail, soit réduire leurs heures de travail ou cesser complètement de travailler.

William travaille comme agent pénitentiaire. Il a déclaré : “Managing work with this has been a bit of a challenge because my job is so physical. I’ve had modified work so I don’t do what I used to do but I am still at work. I’m gradually increasing my hours.” [« Gérer le travail avec cette maladie a été un peu difficile parce que celui-ci est très physique. J’ai dû modifier mon travail et je ne fais plus ce que je faisais avant, mais je continue de travailler. J’augmente progressivement mes heures de travail. »] Traduction de l’original anglais. Angela est femme de ménage indépendante. Elle “started cancelling clients or … instead of having two a day, I booked in just one every second day … Most of my clients are about three hours. And by the two-hour mark, I was “Oh my God, I just want to go home.” [« a commencé à annuler des client·es ou… au lieu d’en avoir deux par jour, j’en ai planifié un·e tous les deux jours. La plupart de mes client·es demandent environ trois heures. Au bout de deux heures, je me disais : « Oh mon Dieu, j’ai envie de rentrer chez moi. »] Traduction de l’original anglais. Lyse travaillait comme magasinière, ce qui impliquait de se pencher, de soulever et de déplacer des cartons, et de monter et descendre des échelles. Elle raconte, « Si… Je me penche juste pour attacher mes souliers… il faut que je m’assoie puis que je lève mon pied pour l’attacher si je ne veux pas être étourdie. »

Aislene ne sait pas si iel pourra reprendre le travail à la radio.

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So, my work before I got COVID was in radio and so I used my voice quite a bit. I have done a little bit of voiceover work through that, but it’s a little bit more difficult because I can’t hold my breath while I’m talking as much as I […]

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Kari se demande si elle pourra un jour reprendre son emploi d’infirmière.

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They don’t know if and when I’ll be able to return to work or if I’ll even be able to return to nursing. From what I understand so far, a lot of people have been able to return to work, but not in the same capacity. And for nursing, it’s […]

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Poursuivre le travail malgré les effets sur la santé

Plusieurs de nos participant·es avaient essayé de continuer à travailler malgré leurs symptômes de COVID longue, par dévouement à leur travail, par nécessité financière ou par crainte de la stigmatisation. Tous/toutes ont rapidement réalisé que cette réticence à prendre du recul par rapport à leur travail en raison de leur état de santé leur causait du tort.

Par exemple, Coucoute a un travail très physique en tant qu’aide-soignante. Elle dépend de son salaire, mais s’est aperçue qu’elle ne pouvait pas travailler plus de deux jours par semaine parce qu’elle était « épuisée et fatiguée ».

Violaine souhaite vivement continuer à enseigner.

Transcription

Je voulais absolument continuer à enseigner. Donc j’essayais de donner des cours, on donnait des cours à distance à ce moment-là. J’essayais de les donner sur mon écran. C’était tellement difficile, j’avais tellement ni énergie, ni voix, ma voix très rapidement est devenue caverneuse, et puis quelques semaines après je […]

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Carrie2 est médecin de famille et s’inquiète de laisser tomber les gens. Elle se souvient d’une conversation avec son physiothérapeute qui l’a encouragée à réduire considérablement sa charge de travail.

Transcription

J’étais si fière de moi que je l’ai regardé et je lui ai dit : « J’ai réduit mes heures de travail, je ne vois les patient·es que pendant sept heures. » Et il est si bon. Il m’a regardé et m’a dit : « C’est très bien. Je suis content que vous fassiez ça. » […]

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Jason s’inquiète de la réaction de son employeur s’il demande des dispositions particulières.

Témoignage écrit

It’s very difficult to talk about. And, it’s something where I’m – yeah, it’s been hard for me to talk about it and reframe work arrangements. I did back in December when I went through like a severe bout of like burnout I should say, I ended up taking some unused vacation time and just like used that for some time off, and like it really stood in for like basically short-term disability. I wasn’t able to do – I had all these things that I wanted to do during those few weeks off but I wasn’t able to do them and I felt very, very bad. I did ask, like before taking this time off, to switch my role responsibilities and that seemed to help in the short term, but with the demands that the company that I work for has, I’m more or less doing the kind of thing that I was doing like going into December, and despite the commitment from the company to be accommodating and allow me to focus on a less stressful activity.

I:   And so what made the conversations difficult with your employer?

Well, one, like not being able to talk – like really know how to frame and talk about the health issues that you have for fear of stigma, not being believed. For instance, if someone were to tell their boss that they had like fatigue and brain fog it’s just – it just seems to me to be outside of the norm and something that just would not be taken very seriously. If someone has anxiety and depression, like similar – whether or not your boss reacts well to it or like how seriously they would take it, those kinds of symptoms on their own, like they do impact the person’s perception of you in the future. Those symptoms seem – like they associate those things with your personality and who you are, rather than like an illness that you’re managing.

[C’est très difficile d’en parler. C’est quelque chose dont j’ai… oui, ce fut difficile de parler et de recadrer les modalités de travail. En décembre, lorsque j’ai traversé une grave crise d’épuisement professionnel, j’ai fini par prendre des vacances inutilisées pour avoir du temps libre, et elles ont remplacé l’incapacité de travail à court terme. Je n’ai pas pu faire toutes ces choses que je voulais faire pendant ces quelques semaines de congé, et je me suis senti très, très mal. J’ai demandé, comme avant de prendre ce congé, à changer les responsabilités de mon rôle et cela a semblé m’aider à court terme. Mais compte tenu des exigences de l’entreprise pour laquelle je travaille, j’accomplis plus ou moins le même genre de tâches qu’en décembre malgré l’engagement de l’entreprise à être conciliante et à me permettre de me concentrer sur une activité moins stressante.

I : Qu’est-ce qui a rendu les conversations difficiles avec votre employeur?

Tout d’abord, le fait de ne pas pouvoir parler, de ne pas savoir comment formuler et parler des problèmes de santé que l’on a par crainte de la stigmatisation, de ne pas être cru. Par exemple, si une personne devait dire à son/sa patron·ne qu’elle souffre de fatigue et de brouillard cérébral, cela me semble en dehors de la norme et quelque chose qui ne serait pas pris au sérieux. Si une personne souffre d’anxiété et de dépression, des symptômes similaires, que votre patron·ne y réagisse bien ou non, ou qu’iel les prenne au sérieux, ont un impact sur la perception que le·la patron·ne aura de vous à l’avenir. Ces symptômes semblent… comme s’ils associaient ces choses à votre personnalité et à qui vous êtes, plutôt qu’à la maladie que vous gérez.] Traduction de l’original anglais.

 

Peine liée à la perte d’un emploi ou d’une carrière

La plupart des personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenu·es nous ont dit que le fait de ne plus pouvoir travailler comme avant la COVID longue avait eu un impact émotionnel important sur elles. Certain·es avaient passé de nombreuses années en formation et à œuvrer dans le domaine de leur choix. D’autres ont déclaré qu’être productif·ve leur donnait un sentiment d’utilité. Beaucoup ont estimé que le changement dans leur vie professionnelle avait eu un impact sur leur identité. Plusieurs ont déclaré que le changement dans leur capacité à travailler leur avait causé de la peine et les avait laissé·es avec un sentiment de deuil.

Melissa se sentait perdue sans emploi. Comme elle l’a expliqué, « ce n’est pas tant l’aspect financier qui compte, mais plutôt le fait de poursuivre un but dans la vie. Mon emploi a toujours défini qui j’étais et ce que je représentais, et je ne peux pas le faire maintenant. Alors je me demande quel en est l’intérêt ». Lori regrette l’aspect social de son travail. « Il y a beaucoup d’ami·es avec qui je travaille, alors il y a des interactions, c’est certain. Voir des gens, rire et être avec eux. Je travaille avec beaucoup de gens bien. » Cher était alitée en raison de la gravité de ses symptômes de COVID longue. Mais pour elle, « le plus difficile, ce n’est pas de perdre ma capacité personnelle à bouger, c’est de perdre mon travail. Je veux dire que j’ai passé douze ans à l’école pour pouvoir effectuer mon travail. Je l’adore. Je l’ai choisi délibérément. Et c’est déchirant de devoir y renoncer ». Jean dit qu’elle a l’impression « d’avoir perdu le contrôle de mon destin… de ne pas pouvoir lire correctement sur un écran d’ordinateur, de devoir abandonner… le cours que je suivais. J’imaginais évidemment que je travaillerais beaucoup plus longtemps. » Pour Jennifer1, l’idée de « ne pas œuvrer dans le théâtre… est paralysante parce que c’est ce qui a fait ma vie ».

Angela se demande ce qu’il adviendra d’elle si elle ne peut pas reprendre le travail.

Transcription

I’m a workaholic. So it’s not being able to work, is probably the biggest emotional part of it, of being what if I can’t go back to work at some point, like what do I do? I’ve had the cleaning business for 25 years. I could get a job at […]

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Pour Violaine, la perte de sa carrière est comme un deuil.

Transcription

C’est très difficile faire le deuil du travail, le deuil d’un travail que j’adore! Un milieu de travail que j’adore, des collègues… Je deviens vraiment émotive (elle pleure). Voilà! Émotivement oui, il y a des moments tellement difficiles (elle pleure toujours). Là ici j’ai trouvé beau les bibliothèques avec tous […]

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Dernière mise à jour2024-03